Pour ne pas oublier Noël, homélie « comme devant la cheminée » de la première messe de Noël le 24 décembre 2020 à 17h en l’église St-Pierre-St-Paul de Clamart – pour celles et ceux de 7 à 77 ans, et de moins et de plus.
Les enfants, vous vous souvenez des lectures que nous venons d’entendre ? qu’est-ce que l’Evangile nous a raconté ? […] il nous a parlé d’abord d’un voyage, vous savez, c’était un long voyage, il fallait peut-être 8 jours au moins pour aller de Nazareth à Bethléem, et encore. C’est Marie qui va être la maman de Jésus et son mari Joseph qui font ce voyage. Imaginez : Jésus est tout près de naître ; il est encore dans le cœur de Marie et elle va faire ce long voyage à pied sur des chemins qui montent, qui descendent, pierreux, avec des trous, rien d’une autoroute … Marie et Joseph n’ont pas choisi de faire ce chemin si difficile, fatigant. Ils le font pour se faire inscrire sur les registres comme des gens qui seraient obligés de faire un long voyage pour obtenir des papiers indispensables pour leur vie, pour avoir leur carte à la Mairie ou à la Préfecture. Ils font ce voyage parce que chacun est obligé de le faire à un moment où la vie était déjà bien difficile pour beaucoup de gens. Ils le font comme tout le monde. Et si pour Marie et pour Jésus qui n’est pas encore né, cela se passe bien c’est parce que Joseph est là pour l’aider, et certainement d’autres personnes – par exemple celle qui a prêté l’âne sur lequel Marie a pu s’asseoir de temps en temps car Joseph qui travaillait le bois n’en avait probablement pas, et puis il y a tous ceux et toutes celles qui leur ont donné un coup de main, l’un en l’aidant à marcher, l’autre en tenant l’âne, un autre en donnant de la nourriture ou des bandages pour les pieds, en s’occupant de nettoyer l’âne à la fin de la journée … Alors ce voyage pénible, qu’ils étaient obligés de faire, ce voyage qui les faisait souffrir, ce voyage est devenu un chapelet de bonté, de petits services, de gestes de soutien. C’était le meilleur du cœur qui s’y donnait. Les plus vieux, nous savons bien qu’il y a des moments où la souffrance, la difficulté, l’obscurité, le noir, l’incertitude sont là, mais que ces moments sont ceux aussi où nous pouvons être témoins de la bonté de chacun et de chacune. Souvenons-nous des lumières allumées aux balcons pour remercier les soignants, c’était l’obscurité mais la lumière était allumée dans les cœurs de celles et ceux qui soignaient, et plus largement de toutes celles et ceux qui rendaient les services possibles à ceux qui étaient dans le besoin. Cette lumière, elle avait toujours été là mais on ne la voyait plus tellement on y était habitué et voilà qu’on la découvrait, et c’était beau. On sentait encore plus qu’au fond de lui-même, le cœur des hommes et des femmes, et des enfants aussi, était beau. Noël c’est cette lumière qui vient éclairer les cœurs de celles et ceux qui sont éprouvés et de celles et ceux qui cherchent à les aider. Oui, le cœur de l’homme est beau, pas à cause des apparences, des choses qui font du bruit, il est beau et bon comme une source, comme une chaleur qui rayonne.
Ils arrivent à Bethléem et ils ne savent pas où loger. Alors on leur trouve une place dans la salle où étaient gardés les animaux, derrière la maison pour la réchauffer. Quel lieu pour se reposer après une telle marche ! mais Jésus naît là. C’est là que Marie et Joseph l’accueillent, que Marie l’accueille dans ses bras et avec Joseph le regarde émerveillée. Vous savez ce que cela veut dire s’émerveiller ? … ça veut dire admirer, regarder de tous ses yeux parce que c’est beau. C’est ce que vous faites quand vous ouvrez les yeux sur un cadeau, ou peut-être sur le petit frère ou la petite sœur qui vient de naître. S’émerveiller, c’est ouvrir grand les yeux et sentir que notre cœur aussi s’ouvre. C’est sentir une grande joie, être très heureux comme si soudain on était rempli d’autre chose. De voir cet enfant, ce petit, de l’entendre, de sentir sa peau, Marie et Joseph étaient comblés. Et cela remplaçait tous les soucis qu’ils avaient, le froid et la douleur. Rien que de le voir, de l’entendre, de le sentir, cela changeait leur cœur. Ils savaient que c’était Dieu qui le leur donnait, ce petit, mais ils n’auraient pas imaginé comme leurs cœurs allaient se dilater. Ils n’auraient pas imaginé que, grâce à lui, à la joie qu’il leur donnait, ils allaient voir tout autour d’eux d’une autre manière. Il était la lumière qui vient dans le noir, l’obscurité, et c’était Dieu qui le leur donnait. Alors tout ce qui en eux et autour d’eux qui était gris, ils continuaient de le voir gris, mais ils comprenaient que sous ce gris il y avait la lumière, que ce gris était éclairé, illuminé. Ils sentaient une grande espérance : Cet enfant venait pour éclairer chacune, chacun, pour donner à chacune, chacun l’espérance d’une vie belle, lumineuse malgré la grisaille.
Et autour il y avait des bergers pauvres qui ont partagé leur joie et aussi se sont émerveillés : ils avaient un cœur de pauvre, qui pouvait voir, contempler dans cet enfant la merveille que Dieu donnait aux hommes. Comme Marie et Joseph, ils ne comprenaient pas encore que c’était Dieu lui-même qui venait, mais ils voyaient dans cet enfant le signe de l’amour de Dieu pour chacun et chacune. Les bergers, on les aime bien. Peut-être en avez-vous rencontré dans la montagne et ils vous ont expliqué comment ils s’occupaient des moutons. Au temps de Jésus on s’éloignait d’eux parce qu’on les trouvait sales, impurs parce qu’ils étaient nuit et jour au milieu des animaux. C’était des gens qui avaient beaucoup besoin d’être aimés, et c’est pour cela qu’ils sont venus, pour dire combien ils étaient heureux que cet enfant soit là parce qu’il aimait chacun, quel qu’il soit, même s’il avait fait de grosses bêtises, même s’il était d’un autre pays, d’une autre religion, avec d’autres coutumes, etc., qu’il était venu pour aimer chacun et chacune. Et alors ils ont communiqué la bonne nouvelle autour d’eux. Et elle s’est répandue dans les cœurs comme un grand nuage de graines de paix, qui, malheureusement, ne trouvent pas toujours la terre pour les accueillir. Mais Dieu veille et n’arrêtera jamais de souffler sur ce nuage pour que la paix redevienne possible, et qu’un jour elle rassemble tous les humains. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui nous chantons beaucoup de chants de joie.
C’est vrai, Noël, la naissance de Jésus, ce n’est pas l’arrivée d’une longue course, ce n’est pas la fin, l’aboutissement d’un chemin, c’est plutôt un point de départ, un moment où chacun sent à quoi il est appelé et qu’il peut vivre : sans tout dire, je cite : la bienveillance, la douceur, l’accueil les uns des autres, mais aussi le courage, la persévérance, le réalisme, la liberté intérieure par rapport à tout ce qu’on dit. Noël, c’est une mise en route, et celle de Jésus où il connut beaucoup de joies fut aussi faite d’épreuves, nous le savons. Alors il faut toujours se souvenir de Noël et c’est pourquoi nous le fêtons pour que nous revenions sans cesse à la lumière quand la difficulté, l’épreuve nous découragent. Vivons pleinement ce temps, ces fêtes, vivons-les dans la joie simple, l’accueil les uns des autres, en prenant notre temps, pour que nos cœurs, chaque fois que l’épreuve ou la difficulté nous menacent, se souviennent de Noël et retrouvent le chemin de la paix.
P. Jean-Noël Audras sj