Dédicace de la Basilique Saint-Jean-de-Latran
9 novembre 2022
Certains l’ont peut-être vécu : quel drame quand, dans sa maison, on vit un dégât des eaux majeurs, ou bien quand on est cambriolé, ou encore quand il y a un incendie ou une inondation qui détruit des meubles, des documents, des souvenirs, et bien plus encore quand une catastrophe naturelle détruit entièrement sa maison. Ce sont toutes des épreuves humaines qu’on ne veut souhaiter à personne.
Et souvenons-nous du drame que fut l’incendie de la cathédrale de Paris, il y a 3 ans ½. Souvenons-nous de la résonnance qu’a eu la destruction de ce bâtiment, pour nous en Église et bien au-delà, par sa valeur patrimoniale.
Depuis plusieurs années, l’actualité de la vie de l’Église est remplie de drames humains et spirituels qui s’accumulent, et plus particulièrement depuis un an, et ces derniers jours mêmes. Ces drames, nous les entendons dans les cris ou les souffrances tus des victimes d’abus à cause de membres de l’Église, que ce soit des abus sexuels, des abus de pouvoir, des abus spirituels. Ces souffrances et les blessures qu’elles entraînent, nous le savons, ces victimes doivent les porter sur une durée qui semble sans fin. Ces cris des personnes abusées ne nous parviennent pas toujours, mais nous nous devons d’y être sensible, et de vouloir de que les choses changent.
Alors comment prier pour l’Église universelle, à partir du symbole qu’est la cathédrale de l’évêque de Rome, en ces jours ? Les révélations de ces jours nous montrent une Église fissurée, qui prend l’eau… En France, des évêques, successeurs des apôtres, ces colonnes de l’Église, se révèlent avoir été parmi les abuseurs… Le drame et la blessure des victimes d’abus sont incommensurables… Notre épreuve devant ces révélations est absolument moindre, mais pas moins réelle.
Car c’est l’image de l’Église en nous qui est touchée, c’est notre amour de l’Église qui peut être affectée, c’est peut-être notre foi en cette présence de Dieu agissant en son Église, Épouse du Christ, qui est ébranlée.
Un grand théologien jésuite du XXe s., Henri de Lubac, aimait à dire : on fait de la théologie comme un nageur dans l’océan qui avancerait en écartant à droite, puis à gauche, les vagues qui le portent, mais qui sont comme des fausses images de Dieu que ce nageur peut avoir.
Peut-être vivons-nous la même chose dans notre vision de l’Église. Peut-être avons-nous laissé se tisser en nous de fausses images de l’Église. Peut-être avons-nous idéalisé la hiérarchie, cherchant même quelques figures de héros de la foi. Peut-être n’avons-nous pas assez intégré que le seul titre de gloire dans l’Église est le baptême, comme le disait Paul VI, ni que l’Église est d’abord le Peuple de Dieu, au sein duquel certains ne sont que des serviteurs, des ministres au sens étymologique du terme.
Comme le dit saint Paul aux corinthiens dans la 1ère lecture : c’est le Christ et lui seul qui peut être la pierre de fondation de l’Église. Cette pierre, elle est un roc, solide… Puissions-nous nous appuyer sur elle.
Dans deux ans, on nous promet une cathédrale Notre-Dame de Paris, toute refaite, toute purifiée du plomb qui la contaminait, toute nettoyée à l’intérieur avec une pierre blanche comme immaculée. Combien de temps faudra-t-il à l’Église, au moins en France, pour se purifier ? Pour avancer dans l’unité de la synodalité, sous l’action de l’Esprit Saint ? Nul ne le sait, et d’autres scories, d’autres incendies pourraient même survenir. Mais notre espérance est dans le Christ. Nous pouvons lui demander d’accroitre en nous cette vertu, en ce jour de fête.