Luc 13, 22 Tandis que Jésus faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant.
23 Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit :
24 « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. »
(l’évangile du 21ème dimanche du temps ordinaire, année C)
Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »
La question nous fait penser spontanément à des critères de sélections préalables, à un concours. Le nombre de place est limité : certains seront pris, d’autres pas. Mais la réponse de Jésus, Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, fait entendre autrement :
L’étroitesse de la porte, ce n’est pas un filtre, mais une exigence. Une exigence de relation avec le Christ. Il ne s’agit pas simplement de dire « On l’a fréquenté », ou encore « C’est mon ami Facebook ». Il y a une exigence parce qu’il s’agit de la porte qui mène à la Vie. Il y a une exigence parce qu’on sait bien que la vie n’est pas « un long fleuve tranquille » pour reprendre le titre d’un film.
Il y a d’abord une exigence de vérité de vie, de la « vraie vie qu’enseigne le souverain et vrai capitaine », le Christ, nous dit saint Ignace dans les Exercices. La vraie vie exige justement un discernement : distinguer la vraie vie de ce qu’est une vie trompeuse ; faire la part de ce qui mène vers la vraie vie et n’y mène pas ; et ce qui m’entraîne sur le chemin de la vie trompeuse, voire même m’y enchaîne.
Saint Ignace repère trois réalités qui m’entravent dans une vie trompeuse.
D’abord la « convoitise des richesses ». Une frénésie à accumuler des possessions de toutes sortes, une course débridée à la consommation… cela fait penser à certains touristes qui arrivent sur un site magnifique, et n’arrêtent pas de mitrailler avec leurs appareils photos. Clic, clic, clic, … On veut tout mettre en boite, et on passe au site suivant. En fin de compte ils n’auront pas pris le temps de contempler les merveilles qui s’offrent à leurs yeux.
Ensuite « l’honneur vain du monde ». On est accro, addict du regard des autres. Ce sont les selfies à tout bout de champ, sans aucune considération des risques. Des selfies à en mourir, littéralement parfois de manière dramatique. Et que dire des réseaux sociaux en tout genre où on étale sa vie sur Internet, avide de likes. Je ne suis plus libre d’être moi-même.
Et enfin « un immense orgueil », où je suis prisonnier de moi-même, de l’image que je me fais de moi-même. Je m’y enferme, coupé de toutes relations véritables avec les autres, coupé de Dieu… jusqu’à la folie. L’Histoire fournit quelques exemples de ces fous d’orgueil.
Le Christ, lui, nous enseigne à vivre pleinement en présence de Dieu de qui viennent tous les biens, et qui donne tout jusqu’à son Fils bien-aimé. A être sous le regard bienveillant du Père où je peux être simplement et humblement… moi-même.
Il y a ensuite une exigence d’amour en actes et pas seulement dans les paroles. Il ne suffit pas de dire “Seigneur, Seigneur !” mais de mettre en pratique son enseignement. Pratiquer la justice, œuvrer pour la paix et la réconciliation, partager dans la joie, éprouver de la compassion pour autrui, exercer la patience. Il s’agit en fait de porter les fruits de l’Esprit.
Cette exigence de vie selon les Béatitudes, la porte étroite, un seul homme, le Fils de l’homme, l’a franchie. Mais parce qu’il est aussi Fils de Dieu, c’est pour tous, pour toute l’humanité, qu’il l’a franchie. Il est la porte qui ouvre large, qui pardonne toutes nos insuffisances, tous nos écarts, pour peu que nous l’écoutions de tout notre cœur, de tout notre esprit, de tout notre être.
Il est vrai que les paroles du Christ sont tranchantes comme un glaive, elles coupent net nos faux-semblants, elles mettent à nu nos compromissions. Mais efforçons-nous de le suivre, de demeurer avec lui, ne perdons pas courage. Alors il pourra nous envoyer pour aider les hommes et les femmes de toutes les nations et les ramener vers lui qui est la Porte de la Vie.
P. Clément Nguyen sj – Manrèse, 25 août 2019.